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vendredi 6 avril 2018

La marche du grand retour par Gérard AKOUN



LA MARCHE DU GRAND RETOUR

Par Gérard AKOUN

Judaïques FM
            

          Le vendredi 30 mars, les Juifs célébraient partout dans le monde et donc aussi en Israël Pessah, la sortie des Hébreux d’Egypte et la fin de leur esclavage. Hasard du calendrier, le 30 mars les Palestiniens commémorent chaque année «le jour de la terre» ainsi nommé en souvenir de la grève générale organisée en 1976 dans les villes arabes de Galilée et du Néguev, pour protester contre les confiscations de terres par l’Etat et au cours de laquelle six manifestants arabes furent tués par la police.



            C’est cette date anniversaire qui fut choisie pour appeler les Gazaouis à marcher vers la frontière avec Israël. Cela fut présenté, au départ dans les media en France, comme une «marche pacifique» organisée par la société civile contre le blocus de Gaza par Israël, sans se poser la question de l’absence de marche vers la frontière entre Gaza et l’Égypte, qui subit un blocus identique. Sans se demander non plus comment la société civile gazaouie, soumise à une dictature islamique, pouvait organiser une manifestation d’une telle ampleur sans l’autorisation et l’appui logistique du Hamas. Le mobile réel de cette manifestation fut rapidement dévoilé par son intitulé : «La marche du grand retour», mais elle devait rester pacifique.
            Depuis plusieurs jours déjà, Israël, utilisant tous les moyens de communication en sa possession, avait averti la population gazaouie et surtout ses dirigeants que ses soldats tireraient sur tous les manifestants qui les menaceraient ou tenteraient de franchir ou d’endommager la barrière de séparation constituée par un mur de barbelés. Il y a quinze jours, environ, plusieurs Palestiniens avaient réussi à la franchir, le risque d’un passage en force n’était pas totalement nul.

            Au milieu de ces milliers de personnes, hommes femmes et enfants, venus manifester pacifiquement, il devait certainement se trouver plusieurs centaines d’individus prêts à en découdre pour la gloire d’Allah. Ce n’était pas seulement une kermesse comme le décrit Piotr Smolar, le correspondant du Monde en Israël, très sensible aux souffrances des Gazaouis, qui écrit : «la plupart sont restés sagement à distance, loin de la frontière, mangeant des glaces ou picorant des graines, s’interrompant pour la grande prière».
            Le bilan est lourd 17 morts, dix d’entre eux ont été identifiés comme étant des membres de groupes terroristes palestiniens et plusieurs centaines de blessés. Le Hamas a publié, en prévision des prochains vendredis, des recommandations à l’intention de ses membres pour se camoufler de façon à ne pas être pris pour cible par les snipers de Tsahal, L’armée israélienne a tiré à balles réelles, il aurait mieux valu qu’elle tirât des balles de caoutchouc. Les risques de débordement auraient-ils été plus grands ? Je ne suis pas expert en la matière pour en juger mais il est certain qu’il y avait au milieu de cette foule pacifique des éléments armés. Les manifestations devraient aller crescendo, chaque vendredi, jusqu’au 15 mai, jour où les Palestiniens commémoreront la Nakba «la grande catastrophe» la défaite des arabo-palestiniens en 1948 et l’exode des Palestiniens qui s’en suivi. Jusqu’à cette date tout peut arriver, il suffit d’une étincelle !

            En soutenant cette manifestation, le Hamas voulait se remettre en selle politiquement, se recrédibiliser aux yeux des Palestiniens, mais il est aussi responsable de ce bilan sanglant car il savait comment les Israéliens réagiraient. Il voulait aussi marquer des points contre Mahmoud Abbas qui est entrain de l’asphyxier financièrement en refusant de continuer à payer ses fonctionnaires à Gaza. Les États arabes qui le finançaient, le soutiennent de moins en moins, et la lutte armée a montré ses limites avec l’impossibilité de vaincre Israël. C’est une lutte interne qui se mène au sein de l’Autorité Palestinienne pour succéder à Mahmoud Abbas.  En nommant cette manifestation, «marche du grand retour», le Hamas redonne corps à une illusion qu’on croyait effacée, celle du retour des Palestiniens dans les lieux-mêmes qu’ils avaient quittés. Il veut montrer en agissant ainsi que, s’il ne place plus ses espoirs dans la lutte armée, il n’en défend pas moins les fondamentaux de la lutte des Palestiniens.
            Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohamed Ben Salman a déclaré lundi dernier : «je pense que les Palestiniens et les Israéliens ont droit à leur propre terre». C’est le droit à l’existence de l’Etat d’Israël, enfin reconnu ! mais le prince héritier a ajouté : «mais nous devons obtenir un accord de paix pour garantir la stabilité de chacun et entretenir des relations normales». Une nouvelle chance de sortir de l’impasse actuelle ; encore faudrait-il, de part et d’autre, vouloir la saisir en acceptant les compromis douloureux mais nécessaires.

1 commentaire:

Marianne ARNAUD a dit…

Vous lisant impossible de ne pas se demander combien il y en eût de ces "grands retours" du peuple juif vers Israël, au cours de leur longue histoire ?