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mercredi 1 mars 2017

Daesh cible les Chrétiens abandonnés du Sinaï



DAESH CIBLE LES CHRÉTIENS ABANDONNÉS DU SINAÏ


Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

 

            

l'église Saint-Pierre et Saint-Paul


          Dans la guerre que se livrent Daesh et l’armée égyptienne, les Chrétiens du Sinaï paraissent abandonnés à leur triste sort. Ils sont persécutés par les hordes islamiques qui procèdent à des incendies d’églises, des assassinats et des attentats-suicides. Ils ont abattu un homme dans sa maison près d’El-Arish, en présence de sa femme et de ses enfants.  Cet exemple n’est pas le seul. Du 30 janvier au 24 février, on a dénombré déjà huit attaques terroristes dans le Nord-Sinaï contre la communauté chrétienne faisant 7 morts. Un homme a été décapité et un autre brûlé. Daesh avait diffusé une vidéo où il annonçait son intention de « libérer le Caire » parce que les coptes sont des «infidèles qui sont des agents de l’Occident contre les musulmans». Cette vidéo montrait aussi le kamikaze qui s’était fait exploser dans l'église Saint-Pierre et Saint-Paul, contiguë de la cathédrale copte Saint-Marc, le 11 décembre 2016 en tuant 29 fidèles coptes. 



Eglise en feu

            La panique s’est emparée de la communauté chrétienne qui a décidé de fuir le Sinaï pour se réfugier à Ismaïlia au bord du canal de Suez. Les familles ont été logées par les autorités dans des auberges de jeunesse et dans les locaux de l’église anglicane. L’Église copte orthodoxe d’Égypte est désarmée face à ce terrorisme qui la vise particulièrement. L’Égypte est le pays du Moyen-Orient qui comporte le plus de chrétiens avec 10% sur 90 millions de la population.  Chaque vague d’attentats pousse les Chrétiens du Nord-Sinaï à fuir face aux menaces des islamistes. D’ailleurs la communauté qui comportait 5.000 personnes a été réduite à 1.000 depuis 2011.

            Le gouvernement égyptien semble totalement dépassé par les événements et au lieu de les protéger dans leurs villages, il se borne à les aider dans leur fuite en les accueillant à Ismaïlia. Le président se borne à souligner l’importance de lutter contre les tentatives de «porter atteinte à la sécurité et à la stabilité en Égypte» sans préciser les mesures qu’il compte prendre contre les terroristes. Le premier ministre Shérif Ismail a ordonné le 25 février 2017 «la fourniture de prestation de services aux familles» et a assuré que pape orthodoxe copte Tawadros II était tenu informé des événements. La ministre de la Solidarité sociale, Ghada Wally, s’est rendue à l'International Youth Hostel à Ismaïlia pour s’assurer que les familles chrétiennes recevaient les aides nécessaires et pour les assurer qu’elles seront bientôt de retour dans leurs foyers.

Chrétiens fuyant al-Arish

            Cette vague d’attentats n’est pas nouvelle. En 2011, 23 chrétiens coptes ont été tués dans un attentat suicide qui visait la messe du Nouvel An à l'Église Deux Saints à Alexandrie. En 2016, le Père Rafael Moussa de l’église Mar à El-Arish a été abattu par des militants de Daesh tandis que la cathédrale du Caire a été bombardé en décembre 2016.

            Paradoxalement les Chrétiens se sentaient en sécurité sous le régime islamiste de Mohamed Morsi mais leur situation s’est dégradée depuis sa chute parce que l’armée et la police n’arrivent pas à venir à bout de l’insurrection islamiste du Sinaï. Les Chrétiens sont particulièrement visés ; plus de 80 églises et des propriétés chrétiennes ont été incendiées sous prétexte que les Chrétiens sont accusés d’avoir eu un rôle dans la chute de Morsi.

Ansar Bayit al-Maqdis


            Les terroristes du groupe Ansar Bayit al-Maqdis (maintenant appelé Wilayat Sinaï), sont les maîtres du Nord-Sinaï depuis 2011.  Ils confisquent les biens chrétiens pour financer les activités du groupe. Cette politique est nouvelle depuis que le groupe a fait allégeance à l’État islamique en novembre 2014.  Tant que durera la répression contre les Frères musulmans, le gouvernement aura du mal à endiguer la révolte islamiste.

            En 48 heures, la quasi-totalité des coptes vivant à el-Arish, une centaine de familles, a fui la capitale du Nord-Sinaï depuis que la branche égyptienne de Daesh avait décidé de renforcer ses attaques contre «les infidèles d'Égypte».  Les prêtres ne peuvent plus circuler dans la région. L'urgence est de recueillir ces familles perdues, de les rassurer et d'organiser rapidement leur relogement à Ismaïlia. Les bénévoles se chargent de trier les produits de première nécessité offerts par les habitants de la ville : du fromage, du thon, des couches, du café, des médicaments et des couvertures.

            Mais le drame est qu’après avoir été menacées par Daesh, les familles subissent la pression des services de renseignements égyptiens qui les encadrent pour éviter qu’elles ne communiquent avec l’extérieur. Elles sont volontairement mises à l'écart pour ne pas qu’elles donnent des informations sur l’armée égyptienne et qu’elles dénoncent la lutte antiterroriste inefficace de l'armée. Elles témoignent cependant de l'horreur qu'elles ont subie là-bas, à force de vidéos et de photos prises sur les téléphones portables : des corps d’hommes exécutés d’une balle dans la tête, des enfants carbonisés, tous chrétiens.

Morts au Sinaï

            La question légitime qui se pose est pourquoi, malgré sa puissance, l’armée égyptienne n’arrive pas à éradiquer les terroristes et à reprendre le Nord-Sinaï. En fait tout s’explique par les faiblesses du pouvoir central. Les violences font pourtant rage depuis 2013. Des soldats égyptiens ainsi que des terroristes sont régulièrement tués. L’information circule peu puisque   les autorités égyptiennes imposent une chape de plomb sur les événements dans cette zone. Plusieurs sources font état de 700 à 2.000 morts du côté de l'armée, contre 1.000 à 2.000 du côté des djihadistes ; des pertes presque équivalentes pour des effectifs disproportionnés. Tous les groupuscules islamistes regrouperaient 12.000 combattants face à une armée égyptienne pléthorique de 300.000 soldats, en majorité des conscrits.

      La principale mouvance islamiste du nord basée à al-Arish, est Ansar Beit al-Maqdis (ABM). Jusqu’en 2000, ce groupe ciblait Israël avec des attaques contre le gazoduc du Sinaï qui fournissait le gaz naturel égyptien. Les forces armées ont alors commencé à traquer les partisans d'ABM dans les villages du Nord-Sinaï en août 2013, ce qui entraîné des attaques contre les institutions militaires et politiques jusqu'au Caire. Les représailles furent terribles puisque l’armée égyptienne avait totalement rasé le village d'al-Liftât, en janvier 2014.

Tanks égyptiens

            L'armée peine à récupérer cette zone car les groupes djihadistes bénéficient de la complicité des Bédouins locaux en raison d’une rivalité avec le pouvoir central qui les a oubliés dans les années 1990 lors du développement du tourisme dont ils ont été exclus. Les Bédouins avaient un compte à régler avec le pouvoir central à la suite d’expropriation, de détention arbitraire, d’exclusion du processus de développement économique, de discrimination à l'emploi, du chômage. Tous ces ressentiments ont poussé les Bédouins à rejoindre les djihadistes ce qui a accru la difficulté pour l'armée égyptienne à reprendre le terrain. Le Sinaï est en effet une région montagneuse difficile à maîtriser. Or les Bédouins sont les seuls à bien connaître la région et, sans leur aide, l’armée ne peut pas localiser les cellules djihadistes.

            Mais un autre aspect explique les difficultés. L’armée est à bout de souffle, mal équipée pour ce genre de menace. Elle ressemble à une armée mexicaine faite de généraux et de colonels qui arrivent mal à encadrer les conscrits, non motivés, qui font tout pour échapper à leur service militaire, jusqu’à s’automutiler. Véritable État dans l’État, l’armée égyptienne ne fait pas la guerre mais fait des affaires puisqu’elle contrôle 40% de l’économie du pays.


            Enfin malgré quelques amendements aux accords de Camp David, l’armée a des marges de manœuvre restreintes puisque le Sinaï est légalement démilitarisé.  Les Israéliens ont autorisé l’entrée de chars dans la région en 2011. Mais l’armée n’a surtout pas évolué. Elle ne s’est pas adaptée à la guerre asymétrique alors que les jeunes militaires égyptiens sont inexpérimentés.  C’est pourquoi, pour alléger le poids de la lutte contre les djihadistes, l’Égypte est à la recherche d’un accord avec le Hamas afin de l’empêcher de leur fournir une base de repli à Gaza et des moyens matériels.


            En attendant, le sort des Chrétiens du Sinaï est compromis et la majorité d’entre eux tentera l’exil aux États-Unis ou au Canada. 

2 commentaires:

Gilbert ABRAHAM a dit…

C'est absolument honteux de voir la façon dont toutes ces informations sont escamotées par les médias français !

Bernard MEYER a dit…

Les chrétiens d'Orient n'ont vraiment pas de chance.
Si seulement les juifs étaient
responsables de leur exode alors là ils auraient eu le soutien de tout l'Occident
accompagné de prêchi-prêcha de la part du monde clérical avec en tête sa Sainteté Le Pape aux petits soins pour les exilés Syriens allant même jusqu'à leur baiser les pieds.
Indifférence ou soumission ?
Catholiques levez -vous pour vos frères au lieu de rester devant votre télé à écouter "on n'est pas couché". Sachez que vous l'êtes déjà.
Dans un article précédent j'avais évoqué cette indifférence du monde Catholique à ne pas se soulever et l'une de vos lectrices, qui se reconnaîtra, avait répondu en ces termes de "sagesse voir de dignité du peuple français".
Soumissions !!
Cordialement