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jeudi 2 juin 2016

Bennett- Lieberman et le Cabinet





Radio Judaïques FM

BENNETT- LIEBERMAN ET LE CABINET

Jacques BENILLOUCHE 
au micro de
Eva SOTO


            
Golda Meir dans sa cuisine
          
          Les dirigeants de HaBayit Hayehudi, les sionistes religieux, avaient menacé de faire tomber le gouvernement si leurs revendications n’étaient pas satisfaites. Ils avaient déjà mal accepté l'arrivée de Lieberman au gouvernement. Ils exigeaient de nommer un attaché militaire permanent au cabinet de sécurité, seul organe habilité à déclencher une guerre. 
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Cabinet de sécurité


          Cette demande est liée à la nomination au ministère de la défense d’Avigdor Lieberman. Naftali Bennett avait émis des réserves : «Je ne suis pas prêt à ce que des soldats meurent parce que le cabinet de sécurité reste aveugle à cause de l'ego de quelqu'un». Il accusait par la même occasion Netanyahou d'avoir dissimulé des informations aux membres du Cabinet de sécurité durant la guerre de Gaza de 2014. Selon Dan Meridor, ancien ministre du Likoud : «Contrairement aux États-Unis où le président décide d'une guerre, la législation israélienne stipule que le Cabinet de sécurité, et non le premier ministre, est seul responsable du lancement d'une guerre».
         En effet, les gouvernements ne sont jamais à l’abri d’une erreur de décision. On se souvient en effet qu’entre le vendredi 11 et le dimanche 13 août 2006, trente-trois soldats étaient tombés lors de l'ultime offensive de Tsahal contre le Hezbollah au Liban. Avec le temps et après la froideur des comptes rendus, on avait découvert que l'envoi à la mort de ces soldats était étranger à toute stratégie militaire, était une exception politique. Le commandement militaire avait reçu l’ordre d’héliporter des soldats dans la gueule du loup, vers une mort prévisible et certaine. 
Mofaz Olmert

          La réponse avait été fournie par le premier ministre Ehud Olmert lors de son témoignage devant la commission d'enquête Winograd. Cette offensive était indispensable pour des raisons de «politique étrangère» afin de «faire pression sur le Conseil de sécurité de l'ONU qui délibérait sur la résolution de cessez-le-feu ce même jour. Cette offensive nous a permis d'obtenir une résolution plus favorable à Israël». Ainsi les trente-trois soldats morts morts à la veille du cessez-le-feu avaient été sacrifiés pour l’obtention d’une résolution «favorable» à Israël. Le gouvernement avait pris l’initiative d'une offensive terrestre aux risques prévisibles et à grands renforts médiatiques, non pas pour conquérir une position stratégique ou pour éradiquer une unité ennemie, mais pour que «l'ONU émette une résolution favorable à Israël». Sur décision du Cabinet de sécurité, des jeunes avaient été envoyés à une boucherie  pour le prix d’un parchemin. 
Bennett et Lieberman

            La demande de Naftali Bennett est donc considérée comme légitime par beaucoup de dirigeants israéliens qui ont découvert que le Cabinet de sécurité des principaux ministres, responsable des décisions sécuritaires du pays, et donc de la guerre ou de la paix, ne comportait aucun membre militaire permanent. On comprend la préoccupation des législateurs qui ont estimé que l’armée est aux ordres du pouvoir politique et qu’elle ne doit pas s'immiscer dans la prise de décision du gouvernement. Ils craignaient que sa présence au Cabinet de sécurité soit l'objet de pressions sur les ministres et qu'elle soit juge et partie. 
         En fait une solution peut être trouvée en permettant aux chefs sécuritaires : État-major, Mossad (sécurité à l'étranger), Shabak (sécurité intérieure) et Aman (sécurité militaire) d'être présents pour répondre aux questions des ministres, sans toutefois avoir droit de vote. Cette mise à l'écart des militaires peut expliquer, sinon justifier, qu'ils prennent la parole en public pour mettre en garde la population dès lors qu'ils ne peuvent le faire dans les instances politiques nationales. 

            Mais le paradoxe tient au fait que des civils, souvent incompétents en stratégie militaire, ont à prendre des décisions sécuritaires sans disposer de tous les éléments de décision. Jusqu’à présent, le problème ne se posait pas puisque, à quelques exceptions près, les ministres de la défense étaient souvent des anciens chefs d’État-major ayant gardé d’excellentes relations avec le haut commandement militaire. Et parmi eux les généraux Yitzhak Rabin, Yitzhak Mordechai, Ehud Barak, Binyamin Ben-Eliezer, Shaul Mofaz et Moshe Yaalon.
          Mais la nomination au poste de ministre de la défense d’un «caporal magasinier», sans expérience du combat et n'ayant accompli qu'une année de service militaire, a modifié la donne. À cela il faut ajouter les rivalités politiques entre Bennett et Lieberman pour le leadership nationaliste. Enfin, les anciennes déclarations intempestives du nouveau ministre de la défense sur les méthodes qu’il compte appliquer inquiètent les sionistes religieux qui craignent des dérives.  
            En fait, le gouvernement dispose déjà d’une structure de conseil, le Conseil de sécurité nationale (NSC, HaMo'atzah leBitachon Leumi). Il représente l'organe central d'Israël pour la coordination, l'intégration, l'analyse et la surveillance dans le domaine de la sécurité nationale et a pour rôle de fournir des conseils sécuritaires professionnels au premier ministre et au gouvernement israélien. Les ministres et députés n'ont pas accès à ses informations. Il s’agit d’un organe uniquement consultatif dont les recommandations ne sont pas contraignantes.
Chefs militaires

            Le Conseil tire en effet son autorité du gouvernement et fonctionne sous les directives exclusives du premier ministre. Le NSC a été créé en 1999 par Benjamin Netanyahou suite à la résolution 4889 du gouvernement, dans le cadre des leçons tirées après la guerre du Kippour. Il maintient également les communications diplomatiques de haut niveau avec les puissances mondiales dans le cadre de l’Onu, l’Otan et l’Ocde. Le Conseil a été dirigé de 2011 à 2013 par Yaacov Amidror et de 2013 à décembre 2015 par Yossi Cohen qui a été nommé à la tête du Mossad au début de l’année 2016. Le général de brigade Avriel Bar Yossef dirige le NSC depuis février 2016. 
            Le Cabinet de sécurité est l’ancêtre du «Kitchen Cabinet of Israël» appelé ainsi parce que le premier ministre Golda Meir réunissait ses principaux ministres, le samedi dans sa cuisine, pour débattre en comité restreint de la politique du pays autour d’un plat qu’elle confectionnait elle-même. Elle préparait ainsi en petit comité le conseil des ministres du lendemain. Depuis, la structure du Cabinet a eu une existence légale et est régie par une loi. Il comprend cinq membres de droit : Benjamin Netanyahou premier ministre, Avigdor Lieberman ministre de la défense, Gilad Erdan ministre de la sécurité intérieure, Ayelet Shaked ministre de la justice et Moshé Kahlon ministre de l’intérieur. À ces permanents s’ajoutent cinq membres additionnels selon un dosage politique imposé par la coalition : Arie Dhery ministre de l’intérieur, Israël Katz ministre des transports, Naftali Bennett ministre de l’éducation, Zeev Elkin ministre de l’immigration et Yoav Galant ministre de la construction. Deux membres invités permanents y participent : Avichai Mandelbit procureur général et Avriel Bar-Yossef chef du NSC.
Avriel Bar-Yossef

            Pour éviter la chute de son gouvernement, le premier ministre a accepté un compromis présenté par le ministre de la Santé Yaacov Liztman. Le directeur du NSC communiquera aux membres du Cabinet de sécurité les informations leur permettant de prendre des décisions militaires, en toute connaissance de cause. Mais il ne s’agit que d’une solution provisoire car Benjamin Netanyahou a constitué une commission de trois experts, dirigée par un ancien conseiller à la sécurité nationale, qui rendra ses conclusions sur une éventuelle réforme du Cabinet. Mais ce compromis a minima permet à Bennett de garder la face et à Lieberman d'entrer au gouvernement.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo la vraie démocratie israélienne: une nouvelle loi pour annuler une loi qui permettait de créer une loi qui annulait la loi précédente, permettant de créer une loi pour supprimer la loi de créer une loi....

bravo, c'est cela la lumière pour le monde!

un ministre de l'éducation qui annule la loi sur l'obligation d'enseigner la culture de base à l'école religieuse
une ministre de la culture sans culture sinon la polémique ridicule et dépassée entre ashkénazes et séfarades.
un ministre de la défense sans culture militaire mais avec une grande culture de la dictature à la russe
un bibi qui porte bien son nom parce que ce qui compte dans le monde pour lui c'est bibi (moi moi et encore moi!)

je pourrais encore continuer la liste, mais... excusez moi, j'ai besoin pressant...

Chapeau Israël! Il ne reste plus qu'à détruire tout ce qui a été construit avant, mais construire ou détruire, c'est toujours travailler, non?



Marianne ARNAUD a dit…

Tant qu'ils ne font pas danser sur les tombes des soldats morts !

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Si vous restez discret sur "les anciennes déclarations intempestives du nouveau ministre de la Défense", sachez que d'autres, ici ce matin, ne se privent pas de nous mettre les pendules à l'heure !

Cordialement

http://www.les-crises.fr/israel-les-declarations-surrealistes-davigdor-lieberman/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+les-crises-fr+%28Les-Crises.fr%29

Jacques BENILLOUCHE a dit…

Chère Marianne,

Je n'ai pas voulu être discret mais je ne voulais pas répéter ce que j'avais écrit il y a quelques jours à ce sujet de manière plus détaillée :

http://benillouche.blogspot.fr/2016/05/la-tentation-lieberman.html