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vendredi 1 avril 2016

La Tunisie utilise Israël comme exutoire



LA TUNISIE UTILISE ISRAËL COMME EXUTOIRE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
            

          On sent que le président tunisien Caïd Essebsi est de la vieille école, celle d’avant-guerre car il continue à utiliser un argument usé jusqu’à la corde, celui que les pays arabes utilisaient avant 1979. Cette école qui se sert d’Israël pour détourner l’attention de ses administrés sur ses échecs et sur celui de ses gouvernements successifs. Ainsi, contrairement à la majorité des pays arabes et des monarchies sunnites du Conseil de coopération du Golfe qui ont classé le Hezbollah libanais parmi les organisations terroristes, pour Essebsi «le Hezbollah n'est pas un groupe terroriste. La Tunisie soutient tout travail mené par le parti libanais du Hezbollah contre Israël».


CCG

            Pourtant le ministre tunisien de l'Intérieur avait donné son accord au texte final du Conseil des ministres arabes de l’intérieur, réuni à Tunis, qui reprenait la qualification de «terroriste» adoptée par le CCG. Les ministres de l'Intérieur avaient dans ce texte condamné «les pratiques et les actes dangereux du Hezbollah terroriste pour déstabiliser la sécurité dans certains pays arabes». Mais le président, qui depuis 1967 voue une haine unique à Israël, en a décidé autrement : «Le Hezbollah est un parti de résistance nationale, membre de la coalition gouvernementale au Liban, qui combat pour la libération du territoire libanais de l'occupation sioniste. On ne peut pas le qualifier de parti terroriste. La Tunisie soutient tout travail mené par le parti libanais du Hezbollah contre Israël». Dont acte.
            Au moment où de nombreux pays arabes envisagent des relations diplomatiques avec Israël, Essebsi n’a pas compris qu’il agit contre le cours de l’Histoire. Ce proche collaborateur de Bourguiba n'a pas hérité de sa clairvoyance en matière de politique internationale. La Tunisie utilise encore l’arme périmée du bouc émissaire israélien pour masquer en fait la situation catastrophique actuelle du pays. 
Mustapha Khaznadar

          Jamais dans l’Histoire tunisienne pareille situation n’a été connue. Il faut pratiquement remonter à l’époque de Mustapha Khaznadar (1817-1878) durant laquelle la situation économique était au bord de la banqueroute et la situation sociale à la veille d’une explosion populaire. Cela conduisit le pays à un protectorat français. Les conséquences de cette nouvelle crise feront de la révolution de 2011 une péripétie de pacotille face aux troubles qui se préparent. La Tunisie, après avoir perdu son âme, risque de perdre sa souveraineté.
            Tout tourne mal au point que la population regrette à présent l’ancien régime et serait satisfaite du retour de Ben Ali. L’endettement a atteint 60% alors qu’avant la révolution il était de 34%. Le chômage touche à présent un millions d’habitants, sur une population totale de 11 millions, dont 350.000 diplômés alors qu’il n’était que de 400.000 en 2010. Pour le résorber, l’État recrute dans la fonction publique qui a atteint 15% des emplois, chiffre jamais atteint, ce qui entraîne une augmentation continue des dépenses publiques. L’inflation dépasse 10% avec comme conséquence la mise en place de la planche à billets par la Banque de Tunisie. Les attaques terroristes ont tétanisé l’armée qui s’embourbe dans l’échec tandis que la classe politique surfe sur la corruption. De véritables gangs d’hommes d’affaires et de responsables politiques profitent de la situation de chaos pour faire main basse sur des zones boisées appartenant à l’État afin d’y construire illégalement des bâtiments après la suppression de milliers d’arbres forestiers.
            C’est le résultat de la politique Essebsi qui n’a fait que poursuivre celle néfaste entamée par les islamistes arrivés au pouvoir avec la révolution. La Tunisie souffre de n’avoir pas trouvé de leader compétent qui serve les intérêts du pays et non ceux d’un clan. Un début d’anarchie se profile, avec à la clef une probable guerre civile. On a d’abord agité le danger de Daesh, en vain, mais à présent on fustige Israël. Le parti au pouvoir Nidaa Tounes s’est offert à son concurrent, le parti islamiste Ennahda, avec la certitude que Nidaa Tounes disparaîtra très vite de l'horizon politique faute de cadres actifs. La révolution a été détournée et les partis modernes ont succombé à une guerre de chefs qui les a rendus stériles. Même des élections anticipées ne régleront rien. Le feu couve dans les provinces parce que la situation empire.
            Le président de la République vient donc de tirer sa dernière cartouche contre Israël. Elle va certainement rater sa cible mais cela ne l’exonère pas de sa responsabilité dans la mauvaise conduite du pays. Il a usé la vieille technique arabe d’antan totalement obsolète. Au lieu de délivrer un message fort à son peuple, il fait un coup de communication anti sioniste pour tenter de rassembler son peuple autour d’un sujet qui fait consensus. La pays a besoin de solutions pragmatiques, il lui propose de se lier à un parti mystique qui attend tout de Dieu et rien des hommes. On se demande s’il ne s’agit pas d’un appel du pied pour laisser entrer l’Iran en Tunisie en échange d’une bouffée économique. Pourtant, les pays du Golfe sont plus susceptibles d’aider financièrement la Tunisie que les pays et les satellites chiites. Le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui a été chargé d’éteindre l’incendie à la télévision pour expliquer des décisions controversées. Ce ministre avait eu le privilège d'être le premier diplomate tunisien à Tel-Aviv, dans une autre vie.
Khemaies Jhinaoui


            L’explication donnée par certains est puérile. La Tunisie était redevable au Hezbollah qui lui avait permis en juillet 2008 de récupérer les dépouilles de Tunisiens lors d’un échange avec Israël. En effet, huit combattants tunisiens, qui s'étaient joints au Hezbollah, avaient trouvé la mort dans différentes opérations menées contre Israël. Mais ce n’est pas en fustigeant Israël que le tourisme tunisien reprendra des couleurs, a fortiori lorsqu’il est boudé par les centaines de milliers de Juifs originaires, éparpillés à travers le monde. La Tunisie montre ainsi qu'Israël ne figure pas dans sa stratégie politique internationale.  

1 commentaire:

Bernard Meyer a dit…

Et une fois de plus le printemps arabe nous dévoile sa grande réussite, tant appréciée dans ce pays devenu démocratique et tellement different des autres pays arabes.
Belles désillusions des rêveurs !!
Jacques vous auriez dû reprendre les articles lus sur votre blog, de la part de chroniqueurs et lecteurs aveuglés par une vision de la Tunisie faussée par les temps heureux de la "colonisation".