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samedi 17 mars 2012

ACCORDS D’ÉVIAN : LA GRANDE ILLUSION




ACCORDS D’ÉVIAN : LA GRANDE ILLUSION

Par Jacques BENILLOUCHE

La délégation algérienne de gauche à droite: Taïeb Boulharouf, Saad Dahlab, Mohammed Ben Yahya, Krim Belkacem, le colonel Amar Benaouda, Redha Malek, Lakhdar Ben Tobbal, M’Hammed Yazid, et Chawki Mostefaï

Le 18 mars 1962, il y a un demi-siècle, la France et le F.L.N (Front algérien de libération nationale) signaient à Évian la fin de la Guerre d’Algérie. La Suisse avait été partie prenante dans l’organisation de ce sommet en accueillant les deux délégations et en jouant les bons offices. La signature de ces accords a conduit à l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 1962.


Dispositions optimistes

Les dispositions étaient très encourageantes mais fortement optimistes à lire quelques unes d’entre elles qui n’ont jamais vu un début d’application :

-Les citoyens français auront une juste et authentique participation aux affaires publiques. Ils recevront les garanties appropriées à leurs particularismes culturel, linguistique et religieux.
-Nul ne pourra faire l'objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d'une discrimination quelconque en raison d'actes commis avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu.

Les autorités françaises ont cru à la valeur de ces engagements arabes et ils ont ainsi abandonné des centaines de milliers de Harkis sacrifiés sur l’autel de la réconciliation. Par ailleurs la récupération des richesses algériennes s’est traduite par des actes en contravention des accords d’Évian puisqu'ils prévoyaient une juste et préalable indemnisation qui n’a pas été suivie d’effet.
Rapatriés français

Les accords d’Évian ont mis en évidence l’illusion entretenue par les protagonistes sur une possible cohabitation entre arabes et autres communautés et sur la valeur des signatures des représentants arabes. Le F.L.N avait fait croire à un consensus entre ses membres en camouflant qu’il existait en son sein une tendance opposée, rêvant à une Algérie républicaine qui voulait permettre au million d’européens de maintenir leur présence en Algérie. La majorité pan-arabiste a tôt fait de marginaliser ce clan pro-occidental pour faire en sorte que la cohabitation n'entre jamais dans les faits.

D’ailleurs, cette disparité dans le pays se retrouvait parmi les membres algériens de la délégation qui avaient des préoccupations souvent personnelles. Le play-boy Taïeb Boulharouf était installé depuis 1956 à Lausanne et y avait crée une représentation du FLN. Saad Dahlab, ministre des affaires étrangères du GPRA (gouvernement Provisoire de la République Algérienne) soignait sa tuberculose. Alors que l’intellectuel Hocine Aït Ahmed lisait «Le Monde» Ben Bella jouait à l’homme du peuple en préférant «L’Équipe».

Stratégie arabe


Les gouvernements occidentaux s’étaient fourvoyés dans l’analyse de la stratégie algérienne consistant à tout promettre et à ne rien donner. Ils ont cru à la volonté d'apaisement des algériens. Alors que des membres de la délégation algérienne voulaient à tout prix un document signé pour ensuite le récuser une fois l’indépendance obtenue, les occidentaux, et la France en particulier, feignaient de croire qu’ils faisaient une bonne affaire en sauvegardant l’avenir des pieds noirs. Ils s’appuyaient sur les erreurs d'appréciation du diplomate suisse, Olivier Long, chargé par son gouvernement de gérer les approches entre français et algériens. Il avait montré en fait une totale méconnaissance des arabes algériens et de leur psychologie : « Les fellaghas, quand ils verront un tapis vert, on leur fera signer tout ce que l’on voudra.» Ils ont effectivement signé mais ils n’ont rien respecté.

L’historien algérien Mohammed Harbi avait tiré les mêmes conclusions pessimistes : «Le pari des accords d’Évian n’a pas été tenu. Nous étions face à des problèmes militaires que nous n’avions pas les moyens de résoudre, mais nous avons réussi, aux plans politique et diplomatique, à fragiliser la position de la France ».

La similitude est grande entre ces accords et ceux qui pourraient être signés entre palestiniens et israéliens car seule est en cause la crédibilité des signataires. Les accords d’Évian transmettaient à l’État algérien l’héritage français en Algérie or seul l’État FLN en a bénéficié. Un clan a pris possession des rouages de l’État en éliminant les partisans d’une authentique République algérienne. Cela implique que tout accord israélo-palestinien, qui voudrait que ses clauses soient appliquées à la lettre, ne pourra pas être signé avec seulement une fraction ou un clan palestinien mais avec l’ensemble du peuple. Les islamistes de Gaza devront être partie prenante sauf à rendre caduc tout accord. Mais l’unification Fatah-Hamas n’est pas encore en bonne voie, mettant ainsi en doute l'intérêt d'un éventuel accord.

Par ailleurs, les accords d’Évian ont été vidés de toute leur substance. Ils reposaient sur le pari d’une cohabitation entre deux communautés sous l’autorité d’un État multiculturel. Le rêve n’a pas pris racine et le pari n’a pas été tenu. L’échec des accords d’Évian, qui ont d’ailleurs été occultés dans les manuels scolaires algériens tant ils personnifient la sournoiserie du F.L.N, renoue avec le symbole que le mixage des communautés reste un leurre.
Les partisans en Israël d’un seul État, où cohabiteraient juifs et palestiniens, pourraient voir leur projet voué au même avenir que celui qui a été réservé aux algériens et aux pieds noirs. L’État multiculturel est un dogme intellectuel qui n’a jamais trouvé d'application réussie et convaincante sur le terrain.


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