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lundi 11 novembre 2013

LES RELATIONS CONFLICTUELLES FRANCO-ISRAELIENNES 2/3 1967-2007


LES RELATIONS CONFLICTUELLES FRANCO-ISRAELIENNES 1967-2007

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

 

PARTIE 2/3
Lien pour la partie-1
http://benillouche.blogspot.co.il/2012/02/les-relations-conflictuelles-franco.html

 
Changement dans la continuité

Président Georges Pompidou

         Après la démission du général de Gaulle et son remplacement par Georges Pompidou, les Juifs de France commencèrent à espérer un changement de politique vis-à-vis d’Israël. Le fait que le nouveau président ait occupé un poste important auprès de la famille Rothschild, à la Compagnie Financière, leur faisait miroiter un retour d’ascenseur qui ne s'est pas déssiné. 
       Tombé gravement malade quelques mois après son entrée en fonction, le président n’eut pas le temps d’imprégner de sa marque personnelle une politique étrangère originale. Son ambition était essentiellement de moderniser l’industrie française et de consolider la construction européenne. 

Voir la vidéo sur l'affaire des vedettes de Cherbourg


        Il se contenta donc, comme plus tard Giscard d’Estaing, de maintenir les relations avec Israël à un formalisme désespérant sans chercher à faire de vagues ni à innover. Il ne voulait pas que le problème israélien pollue les activités de son gouvernement, d’autant plus que la politique internationale ne représentait pas sa priorité. Mais il dut s’y plonger, malgré lui, avec l'affaire des vedettes de Cherbourg.
Port de Cherbourg

         Les Israéliens avaient signé deux contrats, le 26 juillet 1965 et le 14 mars 1966, pour douze patrouilleurs rapides dont cinq étaient construits par les chantiers Amiot à Cherbourg. Ces vedettes, entrant dans la stratégie maritime d’Israël, devaient rivaliser avec les vedettes Komar que les Egyptiens avaient reçues de l’URSS. Ces patrouilleurs Komar, équipés de missiles antinavires Styx, avaient laissé un mauvais souvenir à Israël car elles avaient coulé le destroyer Eilat, le 21 octobre 1967 en Mer Rouge. La défense maritime israélienne, qui avait été délaissée jusqu’alors, avait tenu à combler ses nombreuses lacunes. Le général de Gaulle avait imposé un deuxième embargo le 3 janvier 1969 après celui décidé à la veille de la Guerre des Six-Jours mais sept vedettes avaient déjà été récupérées de justesse.
Vedettes de Cherbourg
         En effet, Moshe Dayan, ministre de la Défense, avait donné l'ordre à l’amiral Limon d’organiser un plan pour soustraire à la vigilance des Français les cinq vedettes basées à Cherbourg. L'opération fut dirigée sur place par le commandant Ezra, de la marine israélienne. Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1969, vers 2 heures du matin en pleine soirée de Noël, les vedettes prirent le large. 

       Le président Pompidou, qui avait déjà été agacé d’être dérangé pendant ses vacances à Cajarc dans le Lot, cacha mal sa colère quand il découvrit les détails de cette histoire rocambolesque. Il s’avéra que plusieurs départements étaient au courant des menées israéliennes et que les services de renseignements français avaient informé directement le premier ministre Chaban-Delmas de ce que préparaient les services secrets israéliens.
          A la veille du nouvel an, les cinq vedettes abordèrent Haïfa tandis que les équipages étaient accueillis en héros. A l’issue d’un Conseil des ministres français convoqués d’urgence, les généraux Cazelles et Bonte furent suspendus pour «graves négligences». Le président n’avait pas voulu chercher plus loin les responsabilités car il s’était rendu compte qu’Israël avait gardé de nombreux amis au sein de l’État-Major français mais il avait exigé le rappel du chef de la mission d’achat d’armement en France, l’amiral Limon. 
Ben Gourion et l'amiral Limon
          Les conséquences furent volontairement réduites au strict minimum car il est probable que le général de Gaulle aurait géré l’affaire avec plus de poigne, comme il avait réglé l’affaire de Bizerte en 1961.  Il aurait certainement donné l'ordre à la Marine Nationale française d'intercepter et d'arraisonner les vedettes, même au-delà des eaux territoriales françaises. Mais le président Pompidou connaissait l’état de l’opinion en faveur d’Israël et il ne tenait pas à s’aliéner les soutiens pro-israéliens au sein de sa majorité. Cependant, l’incident de Cherbourg envenima la situation car l’enquête laissa apparaitre de nombreuses négligences au sein de la Capitainerie du port, de la préfecture maritime et même au sein de l’État-Major de l’amiral commandant la région maritime.
          La sanction fut immédiate. Georges Pompidou autorisa immédiatement la vente à la Libye de Mirage fournis par les usines Dassault. Ce contrat prouva que le monde arabe était prêt à imposer un embargo contre toutes les entreprises qui commerçaient avec Israël mais faisait une exception notable pour le meilleur avion de chasse du moment.

Chamboulement de la région

          La mort brutale du président Pompidou avant la fin de son mandat entraina l’élection d'un centriste, grâce à la trahison de Jacques Chirac et de son groupe de 43 députés gaullistes. L’élection de Giscard d’Estaing en 1974 avait fait naître chez les Israéliens de multiples espoirs car les centristes étaient réputés pour être amis Israël. Mais le nouveau président s’engagea dans un grand chamboulement de la région du Moyen-Orient. 
       L’opportunisme politique prit le dessus sur les bons sentiments. Les deux chocs pétroliers, le dernier en 1973, imposaient des relations privilégiées avec les potentats arabes. La stratégie de la France se trouva alors fondée sur un pragmatisme économique dans lequel Israël avait peu de place. Il fallait absolument garantir l’approvisionnement pétrolier et vendre son âme au diable si nécessaire.
Président Giscard d'Estaing
         Jacques Chirac n’a pas été tendre avec celui qu’il préféra à Chaban-Delmas, désigné par le parti gaulliste à l’élection présidentielle de 1974, parce que la trahison ne lui a rien rapporté. Il raconte dans ses mémoires que Giscard d’Estaing, économiste et inspecteur des finances, ne comprenait rien à la diplomatie  et en particulier au monde musulman qui pouvait le manipuler. En 1979, Saddam Hussein avait suggéré à Jacques Chirac de dissuader Giscard d’accueillir l’Ayatollah Khomeiny. 
      Le président français ne l’entendit pas de cette oreille et se justifia : «Pas du tout. Nous allons accueillir Khomeiny à Neauphle-le-Château. Le Shah avec qui j’ai d’excellentes relations ne nous en voudra pas. Et si les islamistes prennent le pouvoir, ils seront reconnaissants à la France d’avoir hébergé leur guide». L’avenir a montré que cet épisode a représenté l’exemple même d’une erreur de vision politique.

L’ayatollah Khomeiny

Ayatollah Khomeiny

         Giscard d’Estaing a eu une grande responsabilité dans la révolution iranienne. Il a lâchement abandonné le Shah et donné l’asile politique à son ennemi le plus acharné, l’ayatollah Khomeiny. Il a été jusqu’à mettre à sa disposition un avion spécial d’Air France, le 1er février 1979, pour lui permettre d’arriver en grand libérateur à Téhéran. Pour la petite histoire, il faut rappeler que le premier chef arabe à faire acte d’allégeance et de soumission à l’Ayatollah fut Yasser Arafat puisqu’il a été le premier visiteur à être reçu par le chef de la révolution iranienne.
         La décision de Giscard d’héberger l’ayatollah iranien en France, puis de lui «offrir» Téhéran a totalement bouleversé l’équilibre stratégique au Moyen-Orient au détriment des pays occidentaux et surtout d’Israël. Cette décision hâtive et maladroite d’un président, léger sur le plan de la stratégie internationale et peu visionnaire, a eu des répercussions néfastes. Elle a déstabilisé la région et encouragé, aujourd’hui encore, le terrorisme international.  Il n’a jamais voulu tenir compte des avertissements d’Israël qui était à l’époque très introduit auprès des dirigeants civils et militaires iraniens et qui avait une vision précise de la situation.
         Sous le règne de Giscard, qui montrait trop qu’il était aux abois pour son approvisionnement pétrolier, les régimes féodaux arabes avaient compris qu’ils pouvaient le transformer en jouet et obtinrent ainsi l’ouverture en 1975 d’un bureau de liaison et d’information de l’OLP, sorte d’ambassade déguisée qui ne portait pas le nom. Dès lors, sensible et obnubilé par le maintien de bonnes relations avec les pétroliers,  Giscard n’aura de cesse de s’engager de plus en plus fortement pour la cause palestinienne. 
Jacques Attali

         Les officiels israéliens étaient devenus tricards au Quai d’Orsay et persona non grata à l’Élysée ce qui poussa de nombreuses associations politiques, animées par des Juifs célèbres, Jacques Attali, Henri Hadjenberg et Robert Badinter, à militer pour le vote socialiste aux élections de 1981. Seule, Simone Veil au gouvernement restait l’alibi pour prouver que, si Giscard était anti-israélien, il n’était en aucun cas antisémite. Mais elle ne fit qu’illusion et ne réussit pas à redresser la barre des mécontents puisqu’à l’occasion des élections de 1981, on parla pour la première fois d’un vote juif. Giscard d'Estaing, dans son costume d’aristocrate moraliste, ne reconnaitra jamais l’influence de ce vote dans son échec.

Fin de la partie 2/3

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