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samedi 27 février 2016

Le défi des élections du 26 février en Iran



LE DÉFI DES ÉLECTIONS DU 26 FÉVRIER EN IRAN
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
            
Majles

          Les élections législatives du 26 Février 2016 ont pour but d’élire les 290 membres de l’Assemblée consultative islamique, le Parlement iranien (Majles),  qui resteront en fonction jusqu’au 3 mai 2020. L’un des sièges est automatiquement réservé à un Juif. Pour la première fois, ces élections permettront aussi de désigner simultanément les membres de l’Assemblée des Experts composée de 86 membres religieux élus pour 8 ans. 



Assemblée des experts

        L'Assemblée des Experts élit le Guide de la révolution et détient le pouvoir, théoriquement, de le démettre de ses fonctions, mais elle est très peu sollicitée dans ce rôle en raison du mandat à vie dont dispose le chef de l'État iranien. Les candidatures à l’assemblée des Experts sont examinées par le Conseil des Gardiens de la Constitution. Ce Conseil, qui correspond en France au Conseil constitutionnel est composé de 12 membres désignés pour six ans : 6 religieux nommés par le Guide Suprême et 6 juristes élus par le Parlement iranien sur proposition du pouvoir judiciaire  dépendant du Guide. Ces deux institutions sont dominées par les ultra Conservateurs.

            Les candidats ne sont pas forcément monocolores sous prétexte qu’ils font partie de l’élite religieuse. Il existe de nombreuses divergences au sein des responsables politiques. D’ailleurs les élections ont lieu au lendemain de l’accord nucléaire signé avec les Américains durant lequel le débat a été chaud entre les différents clans. La nouvelle donne de l’accord influera certainement sur la physionomie finale du parlement qui verra s’affronter les partisans du président Rohani, présenté comme modéré, et les conservateurs. 
          Depuis son élection en 2013, Hassan Rohani a perdu de nombreux soutiens car il n’a pas respecté son engagement de renforcer les libertés individuelles. En effet, il a dû engager un marchandage avec le Guide suprême Ali Khamenei qui n’a accepté la signature de l’accord sur le nucléaire qu’en échange du renoncement du président à démocratiser l’Iran.

            Bien sûr Rohani s’est trouvé renforcé par cet accord, à la fois vis-à-vis de l’Occident, mais aussi sur le plan intérieur. Il a cependant les bras liés au Parlement face aux Conservateurs qui y détiennent la majorité. D’où l’importance de ces élections qui pourraient déplacer le curseur, en particulier en ce qui concerne la position de l’Iran dans les conflits de Syrie, d’Irak et du Yémen. Pour l’instant les Pasdarans imposent leur vue dans les relations conflictuelles avec l’Arabie saoudite et avec le Liban par Hezbollah interposé.
            Il n’est pas certain que Rohani puisse à nouveau rallier les modérés et les réformateurs qui  n’avaient pas leur propre candidat à la présidentielle. Mais il peut compter sur les conservateurs pragmatiques, inquiets de la tournure trop dure du régime, bien qu'ils ne soient pas encore prêts à accepter toutes les réformes.   
Ali Khamenei

            Ces élections auront un impact limité sur la politique qui sera suivie car les décisions sont entre les mains du Guide suprême qui n’envisage nullement une quelconque ouverture politique à l’intérieur du pays avec le risque de le pousser vers une occidentalisation.  Mais si le nouveau parlement s’affiche plus réformateur, il est probable que le Guide suprême sera amené à lâcher du lest. Compte tenu de la structure fermée du régime, le Majles aura peu de latitude pour voter des lois libérales qui seraient de toute façon bloquées par le Conseil des Gardiens qui veille à l’immobilisme du pouvoir.

            Or Rohani, après avoir réglé le volet international, doit apporter des changements sur le plan interne pour redresser l’économie en créant des emplois et en faisant venir des investisseurs occidentaux. Ceux qui l’ont élu commencent à s’impatienter car ils n’ont vu aucune évolution dans leur vie quotidienne.  Il avait aussi promis aux femmes de nouveaux droits. Or elles continuent à être les oubliées de la révolution. Sur 6.229 candidats au Parlement seules 586 femmes figurent sur les listes tandis qu’à l’Assemblée des Experts, aucune femme n’est candidate.
Kassem Soleimani

            Le pouvoir militaire est entre les mains des Gardiens de la révolution, le bras armé du régime qui décide de la politique dans la région. Le Major Général Kassem Soleimani, qui est à la tête de la Force Al-Qods, groupe secret d'intervention extra territoriale, a remodelé le paysage chiite au Moyen-Orient. C’est lui qui a créé la branche armée du Hezbollah libanais et qui, fin 2012,  a engagé ses forces armées dans le conflit syrien. Il est passé au front irakien en 2014 en participant au siège d'Amerli, à la bataille d'Al-Anbar, à la bataille de Baïji et à la bataille de Tikrit. Sa popularité est si grande en Iran que le président est forcé de composer avec lui. Mais depuis que l’Iran a été admis dans le concert des nations occidentales, Rohani ne désespère pas d’imposer une approche plus diplomatique dans tous ces conflits. Pour preuve, la participation de l’Iran aux négociations sur la Syrie. Il sait aussi que l’avenir de l’Iran passe par une collaboration pacifique avec l’Arabie saoudite.
            L’élection des membres de l’Assemblée des Experts n’aura aucune incidence immédiate tant qu’Ali Khamenei est en vie. A 77 ans, on le dit malade du cancer. C’est cette assemblée élue pour huit ans qui aura la charge de désigner son successeur le jour où il disparaîtra. Mais sa mort ne changera rien car le système est bloqué. Tous les candidats modérés ont été écartés pour que le remplaçant marche dans ses pas. Mais les modérés ne désespèrent pas d’infléchir la composition de cette assemblée pour pouvoir peser lors de la désignation du prochain Guide Suprême. Hassan Rohani et l’ancien président Akbar Hashemi Rafsandjani sont d’ailleurs candidats à cette assemblée.
            Ces élections sont bien verrouillées ; les grandes figures réformatrices ont été écartées mais il peut y avoir des surprises car des modérés ont intégré des listes et comptent sur une participation massive pour enlever des sièges. Cependant les Gardiens de la révolution veillent et peuvent, soit faire pression sur les candidats, soit manipuler le scrutin pour obtenir le bon résultat au profit de vieux candidats qui s’accrochent à leurs sièges alors que 70% des Iraniens ont moins de 40 ans. Un seul espoir anime cependant les Iraniens. Pour eux, il est difficile d’aller contre le vent du changement qui secoue le pays et la région. Les modérés pourraient créer la surprise. 

1 commentaire:

Bernard Meyer a dit…

Le pouvoir modéré rajoutera peut être un deuxième siège pour un juif, et certainement un siège pour une femme !!
Arretons de dissocier le peuple du pouvoir, le peuple a les dirigeants qu'il mérite.
Bernard Meyer