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lundi 19 octobre 2015

LE TABOU DE LA DIVISION DE JÉRUSALEM EST BRISÉ



LE TABOU DE LA DIVISION DE JÉRUSALEM EST BRISÉ

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps



Lorsque les négociateurs s’aventurent à imaginer quelques pistes, sinon pour une paix définitive, au moins pour un cessez-le feu durable, ils font face à une levée de boucliers quand ils abordent la question de la séparation physique avec certains quartiers arabes de Jérusalem-Est. C’est un tabou qui vient d’être brisé par la volonté des Arabes. 



Pour une majorité d’Israéliens, Jérusalem ne doit pas être divisée même si les Juifs doivent cohabiter difficilement avec 370.000 arabes disposant généralement de la nationalité jordanienne ou d’un permis de résidents privilégiés. Cela d’ailleurs les autorise à ne pas jouer le jeu de l’intégration au sein de la ville réunifiée, dès lors où ils ne sont pas considérés comme des citoyens israéliens à part entière. L'annexion de Jérusalem leur a donné un statut hybride. 
Muraille "temporaire" à Jérusalem

C’est pourquoi toutes les décisions politiques du gouvernement israélien concourent à ne pas donner l’impression qu’on est prêt à abandonner une portion infime de la Capitale. Et pourtant les émeutiers viennent de démontrer que Jérusalem-Est reste à l’écart de la Capitale moderne. Cette partie de la ville était déjà abandonnée par les autorités locales. Les égouts débordent les jours de pluie, les trottoirs ne sont pas matérialisés et la voirie s’intéresse peu à cette partie de la ville restée au même niveau physique qu’en 1967.
Quartier de Jérusalem-Est

Mais ce tabou est à présent brisé avec les derniers événements. L’armée et la police ont matérialisé la séparation en plaçant des check-points de blocs de béton pour limiter le déplacement des Arabes vers l’Ouest.  Cette séparation a une portée symbolique car elle ressemble à celle qui était appliquée aux points de contrôle dans les Territoires. Les autorités ont été amenées à isoler Jérusalem-Est du reste de la Capitale. La décision a été prise au sommet puisque le Cabinet de sécurité a exigé la fermeture partielle de la ville en imposant une limitation de fait à la liberté de circulation d’une catégorie de citoyens. L'interdiction de circulation imposée aux Arabes de Jaffa, de Jérusalem ou de Sakhnine  n’a pas la même signification que celle qui touche les Palestiniens de Ramallah ou Hébron.

Bien sûr l’honneur est sauf puisqu’ordre a été donné à la police de ne pas totalement boucler la ville de l’Est pour ne pas tracer de frontière politique dévastatrice pouvant faire jurisprudence. Les résidents arabes profitent d'ailleurs de ces quelques ouvertures pour contourner les barrages existants afin d'utiliser les points de passages non sécurisés. Il ne fait aucun doute que sur le plan sécuritaire la séparation est dissuasive et que les terroristes ont plus de mal à agir en milieu juif. C’est le seul moyen trouvé, par la police sous les ordres du gouvernement, pour rassurer une population choquée par l’audace des tueurs au couteau. 
Mais cette stratégie s’oppose à celle utilisée paradoxalement en Cisjordanie consistant à maintenir la liberté de circulation. Les hauts gradés israéliens se sont toujours opposés au blocage des Territoires : «La restriction de mouvement doit être examinée avec soin et selon les besoins opérationnels, et non comme une punition collective à la population. Conserver le tissu de la vie palestinienne est un élément clé dans la lutte contre l'activité sur la rue palestinienne, afin que les masses ne soient pas impliquées dans les affrontements». La police pense en effet que la restriction de circulation exacerbe ceux qui n’avaient aucune intention de commettre des attentats et qui sont incités à agir par vengeance ou par solidarité avec les leurs.
Une séparation de fait

Jérusalem est donc devenue un cas particulier. La restriction de circulation aux seuls Arabes peut être assimilée à une mesure de ségrégation entre l’Est et l’Ouest de la ville, une sorte de division déguisée. L’idéologie israélienne prend un coup. Au temps des deux Intifada, les seules fermetures efficaces l’ont été avec les tanks  autour des villes palestiniennes. Or, si la situation perdure et s’aggrave, la solution de chars autour de Jérusalem-Est aurait certes un effet dissuasif pour les terroristes mais catastrophique pour les leaders politiques contraints  d’assimiler un quartier de Jérusalem à Hébron ou Bethlehem. Les conséquences économiques seront certainement terribles puisque les habitants arabes se trouveront dans l’impossibilité de rejoindre leurs lieux de travail et augmentera les troupes de mécontents.
Travailleurs palestiniens

            Il est en effet difficile d’accuser tous les Arabes de Cisjordanie de terroristes. 60.000 Arabes des territoires travaillent en Israël et à ce jour aucun n’a été impliqué dans des attentats. D’autres, plus de 20.000, y travaillent directement dans les implantations de Cisjordanie et n’ont montré aucun signe d’agressivité parce qu'ils savent que la vie économique de leur famille dépend des salaires perçus en Israël. Selon les statistiques de la police, un nombre infime totalement négligeable de ces Arabes a trempé dans des attaques à l’intérieur du pays justifiant la position pragmatique de l’armée et de la police à l’égard de la circulation des Palestiniens. Or actuellement, seule la fermeture de Jérusalem-Est a été décrétée tandis que l’armée, sous les ordres de la police, a été chargée de frapper un grand coup en déployant  des centaines de soldats dans des zones très peuplées et en utilisant les drones de surveillance.
            Mais ces dernières émeutes ont montré d’une part le manque de loyauté des Arabes de Jérusalem et la vulnérabilité de la frontière avec Gaza. Le gouvernement a donc décidé la construction d’une nouvelle clôture de 62 kms avec Gaza, identique à celle avec l’Egypte. Une frontière avec l’Est de Jérusalem n'est pas encore prévue mais elle serait la plus sécurisée. Les nationalistes idéologues juifs voient le danger d’encercler la ville parce que cela signifiera la division de la ville. Une division qui est en partie dans les cartons. En effet les habitants de Nof Zion, en plein quartier palestinien de Jabel Mukaber, sont considérés comme temporaires dans la région. Les 50 familles qui y résident ne peuvent prétendre qu’à la location de leur appartement donnant ainsi l’impression qu’ils n’y sont qu’à titre transitoire.
Nof-Zion

De la même manière, les habitants de Maalé Hazeitim, mitoyen du quartier arabe de Ras Al-Amud sont, eux, véritablement assiégés et son considérés comme un abcès au sein de Jérusalem-Est. D’ailleurs l’un de ses habitants ne s’est pas trompé et a perçu le danger : «je suis contre la fermeture des quartiers arabes de la région. Nous sommes ici parce que nous nous battons pour l'unité de Jérusalem. Cela est de la plus haute valeur et il ne faut pas se référer à Jérusalem comme une ville divisée. Mais si vous configurez fermetures ou encerclement, ceci est en fait diviser la ville».
Issawiya

Mais ce n’est pas la seule fois qu’on cherche à diviser la Capitale. En 2013 déjà, à quelques semaines de l’élection municipale à Jérusalem, l’insécurité était le thème majeur de la campagne à tel point qu’une tranchée a été creusée aux abords d’un quartier de la ville pour empêcher les habitants d’un village palestinien d’y pénétrer. C’est un fossé qui s'étirait sur quelques centaines de mètres. Dix ans après la construction du mur de séparation, la municipalité de Jérusalem avait décidé de creuser une tranchée entre le quartier juif French Hill (guivat tsafartit) à Jérusalem-est et le village d’Isawiyah pour accroître la sécurité de la population juive face à la menace terroriste. Selon le conseiller municipal Avner Blankstein : «Nous avons un réel problème. Il n’y a pas de séparation physique et le niveau d’hostilité est très élevé». 
Mur d'Abou Dis mitoyen avec Jéruisalem-Est 

La question est de comprendre l'intérêt de garder au sein d'Israël des zones entièrement occupées par des Arabes hostiles à toute cohabitation, des zones qui n'ont pas été touchées par le modernisme et qui tranchent avec le reste de la Capitale. Ces quartiers n'ont aucune référence biblique puisque construits durant le siècle écoulé. Ils sont le foyer de la haine contre les Juifs et n'apportent rien, ni à Israël, ni à la sécurité d'Israël. Ceux qui veulent les garder en font une question de principe pour ne pas donner l'impression de faire preuve de faiblesse. Ces 370.000 Arabes de Jérusalem seraient plus en phase dans une structure palestinienne.  La question est politique mais surtout sécuritaire. 
La carte montre qu'il suffit de déplacer le mur qui entoure la Jérusalem-Est habitée uniquement par des Arabes et non visitée par les Juifs, hors Lieux Saints, pour la rattacher au quartier de Abou-Dis en laissant aux Palestiniens le soin de qualifier cette nouvelle entité. En fait la division de Jérusalem est dans tous les esprits de ceux qui pensent que le divorce est inéluctable.

Mise à jour du 18 octobre


La police, sur demande du ministre de la sécurité publique Gilad Erdan, a mis en place le 18 octobre de nouvelles barrières entre les quartiers d’Armon Hanatziv et Jabel Mukaber.  Les blocs de béton placés à côté de la rue Meir Nakar diviseront effectivement les deux quartiers. L'encerclement de la ville arabe est presque total à présent.


6 commentaires:

Yoel BITTON a dit…

Le problème c'est que tous les terroristes qui ont sévit sont arabes. Je n'ai vu aucune scission au sein des arabes israéliens pacifiste pour protester et dénoncer les actes criminel de leur frères. Israël n'a pas le luxe de choisir qui est le bon du mauvais. Donc punition collective . La sécurité en priorité, les droits de l'homme nous excuseront.

Michel LEVY a dit…

Le Maire de Nazareth s'est fortement opposé à la violence, j'ai eu des échos de Haïfa, où les chrétiens auraient été effondré par la situation. Il faudrait que ceux ou celles qui connaissent des arabes apportent des témoignages.

Ygal PALMOR a dit…

Elles n'ont pas manquées, les personnalités arabes qui ont condamné le terrorisme et la violence. Des plus connues, comme le maire de Nazareth et la journaliste Lucy Ahrish, aux activistes comme Annette Haskia ou Mohammad Ka'abiya. Il suffit de chercher et regarder.

Et il suffit de marcher dans les rues de Jéru pour se rendre compte que la ville est bel et bien divisée. C'est une réalité.

Janine GUETA a dit…

Vous avez raison. Entre parentheses, ma fille qui rentre d'un voyage en israel, a ete choquee par la disparite qui regne entre la jerusalem juive, moderne et propre et le quartier arabe ou tout est a l'abandon, est ce vraiment intelligent de la part des gouvernants de maintenir cette dichotomie ?

AMMONRUSQ a dit…

Quand je compulse l'histoire récente de cette ville,je ne vois pas d'éléments qui me permettent de comprendre l'attitude des résidents Arabes,leur quartier c'est un bon vouloir des Israéliens et alors pourquoi ne font t'ils pas en sorte que ce quartier soit propre et accueillant,mais c'est partout même à l'extérieur d'Israël, alors je pense que cela est voulu de leur part pour faire pression ou je ne sais quoi d'autre !

Jacob a dit…

suite à cet article, je suis content que le tabou de Jérusalem est été fracassé sur l'autel des illusions. il ne faut pas être un expert pour comprendre que la municipalité n'est pas à la hauteur.

depuis le jour de la création de Jérusalem une et indivisible, tout le monde ferme les yeux et met la poussière sous le tapis.

enfin un peu de clarté sur ce dossier, cela ne donne pas des ailes mais permet la définition de l'objectif.