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lundi 4 mai 2015

HATSMAOUT ET NAKBA : LES OCCASIONS RATÉES Partie 2/3



HATSMAOUT ET NAKBA : LES OCCASIONS RATÉES

Le partage de la Palestine
Partie-2/3 : 1947 - 1948

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps

Plan de partage 1947

   L’ONU a voté le 29 novembre 1947 le partage de la Palestine mandataire. Les Britanniques, qui avaient administré la région depuis 1917, devaient quitter le pays le 15 mai 1948 au plus tard. Ce plan de partage, inspiré du plan Peel de 1937, refusé par les Arabes, comportait cependant des lacunes qui ne pouvaient que susciter de nouvelles frictions entre Arabes et Juifs. Entre autre détail, Jérusalem était entièrement enclavée dans la zone réservée aux Arabes, sans couloir de communication avec la partie juive. Les experts avaient tracé des frontières en tenant compte des nouveaux villages juifs qui s’étaient développés depuis la fin du mandat ottoman mais en morcelant le pays en trois parties.



David Ben Gourion, président Agence juive

   Les Juifs et les Arabes avaient créé des instances politiques séparées, chargées d’administrer les territoires. L’Agence Juive et le Haut Comité Arabe s'étaient alors dotés de fonctions étatiques économiques et militaires. Ce haut comité représentait l'organe politique central des Arabes de Palestine. 
   Une armée juive avait été constituée avec l’intégration de nombreux éléments qui avaient acquis une expérience sur le terrain auprès des troupes régulières anglaises lors des combats avec les nazis. Mais les Juifs, pas plus que les Arabes, n’avaient été autorisés à acquérir du matériel lourd de combat. Ils ne disposaient que d’armes de poing, de fusils de chasse et d’armes de contrebande dont une grande partie devait être confisquée par les Britanniques.
Haut comité arabe avec au premier rang Amin Al-Husseini

   Les Juifs avaient fait preuve d’une grande capacité d’organisation. Les Arabes, avec 1,2 million d’habitants représentant 66% de la population, n’avaient jamais réussi à présenter un front uni face aux sionistes, ce qui fut leur faiblesse. L’histoire bégaie encore aujourd’hui avec les rivalités entre le Fatah et le Hamas ou avec les querelles entre chiites et sunnites. Trois grandes entités,  aux idéologies contradictoires, représentaient les forces arabes face aux Juifs.
Abdelkader Al-Husseini

   Abdelkader al-Husseini, avait pris la place de Hadj Amin al-Husseini à la tête de l’Armée de la Guerre Sainte (Jaysh al-Jihad al-Muqaddas) d’inspiration religieuse non extrémiste, comptant plusieurs milliers d’hommes qui avaient acquis de l’expérience durant la Grande Révolte de 1936/39 ou au sein de l’armée britannique pendant la Guerre Mondiale. 
   Aux côtés de ces troupes, la Ligue Arabe avait mis ses équipements, quelques blindés et son argent à la disposition de l'Armée de Libération arabe qui recrutait des volontaires dans les pays arabes, en Syrie en particulier. 
   Enfin une nébuleuse islamique s’était constituée avec les Frères musulmans, les rescapés musulmans des Balkans qui avaient combattu avec les troupes nazies et même des mercenaires déserteurs britanniques. La lutte contre l’État d'Israël était au cœur du mouvement, et le théoricien du djihad armé, Sayyid Qutb, fut l’un de ses membres égyptiens les plus en vue, qui s'est mobilisé en faveur des Palestiniens.
   Ces trois clans, ayant pour seule stratégie commune leur opposition à la partition de la Palestine, manquaient de culture politique et souffraient d’un faible niveau d’éducation. En revanche les leaders arabes, issus des grandes familles aristocratiques de la région, avaient décidé de prendre les armes uniquement pour maintenir leurs privilèges féodaux. Ils n'avaient aucun projet politique défini en faveur de la cause palestinienne. 
   Le Haut Comité Arabe, qui se considérait comme le seul représentant des Arabes de Palestine s'était discrédité lorsque l'un de ses créateurs, le Grand Mufti de Jérusalem, avait collaboré avec le Troisième Reich. La Ligue Arabe n'avait pas inclus la question palestinienne dans sa sa stratégie et se contentait surtout de faire de la figuration. D’ailleurs dès octobre 1947, certains de ses officiers se montraient conscients de la situation de leurs troupes. Ainsi le général irakien Ismail Safwat, nommé conseiller militaire de la Ligue Arabe et commandant de l'Armée de Libération Arabe, avait souligné l’infériorité tactique et stratégique  des troupes arabes qui ne pouvait être compensée que par des achats massifs d’armes. Il avait été éconduit dans ses demandes.

   La véritable force organisée, bien équipée et puissante restait la Légion Arabe d’Abdallah de Transjordanie, dirigée par des instructeurs anglais. Mais le roi avait une position ambiguë consistant à soutenir du bout des lèvres les Arabes de Palestine tout en jouant sur le pourrissement de la situation pour se trouver en position de recours indispensable dans le conflit avec les Juifs.
   Les Arabes ne manquaient pas de leaders mais chacun œuvrait pour ses propres intérêts et non pour la cause commune palestinienne. Le premier d’entre eux, le leader charismatique Abdelkader al-Husseini, issu d’une lignée d’aristocrates et parent du Grand Mufti, bénéficiait d'une légitimité mais son autorité sur les autres clans était limitée. Considéré comme le plus modéré, il se distinguait d’Hassan Salameh, membre de l’Armée de la Guerre-Sainte, violent et radical en raison de ses antécédents. Il fut volontaire musulman au sein des forces du Troisième Reich puis renvoyé en Palestine en 1944 pour y préparer la grande contre-offensive allemande qui n’a jamais eu lieu. C'était un véritable guerrier qui avait acquis auprès des nazis une expérience et le sens du commandement mais en s'inspirant aussi de leur violence, de leur cruauté et de leur radicalité.
Fawzi al-Qawuqji en 1936 (3e en partant de la droite)

   Fawzi al-Qawuqji commandait l’Armée de Libération Nationale. Ancien élève de Saint-Cyr, ancien officier ottoman, ancien collaborateur avec les services français d’espionnage, il représentait en Palestine le parti nationaliste panarabe Baas. Compétent et autoritaire, il était très introduit auprès des dirigeants irakiens mais il n'avait pas réussi à s'imposer car sa ligne politique était trop moderne au goût des féodaux palestiniens. Enfin, les minorités druzes et maronites ainsi que les Circassiens, musulmans non arabes, avaient choisi le camp juif.
   Les sionistes n’étaient pas à l’abri des frictions et des rivalités. La Haganah, qui avait choisi de passer sous le contrôle de l’Agence juive, était le groupe armé principal. Disciplinée et bien organisée, elle souffrait cependant du manque d’armement par suite de l’embargo anglais. Elle était soutenue par la majorité de la population juive qui avait accepté le plan de partage. Une scission avait entraîné la création de l’Irgoun qui s'affirmait en tant qu'organisation paramilitaire radicale voulant être un groupe d’attaque plutôt que d’auto-défense. 
Avraham Stern

             Le Lehi ou groupe Stern était d’inspiration fasciste avec une connotation raciste anti arabes. L’Irgoun et le Lehi s’étaient associés dans l’attentat qui avait provoqué l’explosion de l’hôtel King David en 1947 faisant plus de 70 morts britanniques. Ils estimaient que la Transjordanie représentait la partie arabe de la Palestine et qu'il n'y avait aucune raison pour accepter le partage de 1947. Ils avaient programmé de chasser les populations arabes par la force ou de les encourager à quitter leur village s'ils ne voulaient pas être objets de massacres. 
Igal Alon du Palmach, commandant du front sud

   Mais le groupe combattant le plus entraîné, comprenant des soldats juifs ayant servi sous le drapeau britannique pendant la guerre, était représenté par le Palmach. Il avait acquis l’expérience sur les champs de bataille grâce à une formation militaire de commandos. Il s’est voulu indépendant de la Haganah avec qui il entretenait des liens cordiaux.
   David Ben Gourion, à la tête de l’Agence juive, avait mobilisé tous les ateliers clandestins pour produire des armes. Il avait envoyé des émissaires en URSS pour acheter les surplus militaires de la Deuxième Guerre Mondiale qui, en raison de l’embargo anglais, ne purent parvenir qu’après le 15 mai 1948. Les Soviétiques avaient décidé de soutenir Israël qu'ils voyaient comme un futur satellite communiste.
   Les Anglais affichaient une neutralité feinte mais leurs intérêts étaient dirigés vers le monde arabe qui disposait des ressources énergétiques. Ils avaient armé et entraîné la nouvelle armée transjordanienne avec l’espoir que la guerre avec les sionistes conduirait à une victoire rapide des forces armées arabes. Cependant, certains officiers anglais avaient montré de la compréhension et de la sympathie vis-à-vis du Palmach dans lequel ils se reconnaissaient, au point de les renseigner sur l’heure précise de l’évacuation des bases anglaises. Cela devait beaucoup servir à la veille de la guerre d’indépendance. 
   Le décor était ainsi planté et les protagonistes se mettaient en scène. La guerre devenait inéluctable dès lors où aucun dirigeant charismatique palestinien n’avait voulu accepter, à l’instar du visionnaire Ben Gourion, la nécessité de concessions mutuelles. Le "vieux" avait compris que son peuple était las des guerres et qu’il devait se contenter d’un petit État juif et indépendant. Mais l’intransigeance arabe a eu raison de la logique et les Arabes décidèrent de se lancer dans leur première guerre avec les Juifs, la guerre d’indépendance pour les uns, la nakba pour les autres. 


Lien pour la partie 1/3

 http://benillouche.blogspot.fr/2015/04/hatsmaout-et-nakba-les-occasions-ratees.html    

1 commentaire:

Bernard ALLOUCHE a dit…

Est ce que libérer sa terre face aux occupants peut il être considéré comme un acte fasciste. Quant au côté anti arabe je ne pense pas que la Haganah ou l'Irgoun de Béguin vouaient un amour fou pour les Arabes. Le Lehi a été dirigé sur la fin par Shamir et l'on ne peut pas traiter cet ancien Premier Ministre de Fasciste.
A bientôt sur le 3ème volet !!
Bernard Allouche