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lundi 4 mai 2015

HATSMAOUT ET NAKBA : LES OCCASIONS RATÉES partie 1/3


HATSMAOUT ET NAKBA : LES OCCASIONS RATÉES

La Palestine mandataire
Partie-1/3 : 1914-1947 

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps


Manifestation de la Nakba
         
          David Ben Gourion a déclaré l’indépendance de l’État d’Israël le 14 mai 1948, jour considéré par les Arabes comme deuil pour marquer la Nakba (catastrophe). Les événements contemporains ont escamoté la genèse du conflit avec ses racines profondes enfouis dans l’amertume des échecs arabes et des drames qui ont marqué la région. 
          Merci à mon ami Bernard Allouche qui m’a soufflé l’idée d’analyser cette période controversée dont on connaît certes la trame mais dont les faits têtus sont souvent volontairement éludés. Les germes du conflit expliquent les blocages politiques actuels et mettent surtout en évidence les nombreuses occasions manquées par les Arabes. L'histoire juive n’est pas constituée seulement de faits et de dates mais d’inspiration et de foi, de vision et de destinée.



Chute de l’Empire ottoman

Empire ottoman
            
          La Première Guerre Mondiale a mis fin à l’Empire Ottoman qui a été ensuite dépecé par les puissances occidentales pour créer à la place des entités artificielles alliées, entièrement dévouées à leur cause. Les Britanniques, fidèles à leur politique consistant à diviser pour régner, ont alors songé à satisfaire les espérances arabes et juives. Par la déclaration Balfour du 2 novembre 1917, le secrétaire d’État britannique aux affaires étrangères, Arthur Balfour, avait informé que «le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif». Mais craignant des réactions violentes, les Britanniques n’ont jamais fait part aux Arabes de leurs intentions réelles. Ce fut la première erreur qui devait définitivement instiller la méfiance sur les relations futures. Cependant par réciprocité, ils n’avaient pas oublié la promesse faite aux Arabes de leur réserver le territoire s’étendant de la pointe de l’Arabie à la frontière  turque.
Déclaration Balfour

            Plusieurs vagues d’alyah avaient alors été organisées par les mouvements sionistes pour augmenter les populations agricoles de la région, sous l’œil bienveillant des autorités ottomanes intéressées par la mise en valeur de terres arides grâce aux investissements effectués par la famille Rothschild. Les sionistes exploitèrent les lacunes du cadastre ottoman qui ne mentionnait que les chefs de village comme propriétaires des terres. Ils en profitèrent pour acheter des lots à des chefs locaux avides de bonnes affaires pour consolider leur influence au sein de leur clan.
Haganah

            La Société des Nations, ancêtre de l’ONU, décida à la conférence de San Remo de 1920 de donner un mandat au Royaume-Uni pour administrer la vaste étendue comprenant la Jordanie et une partie du Golan. Les Anglais en avaient retiré les quatre-cinquième pour le donner à un émir du Hedjaz qui avait appelé son nouveau domaine «royaume hachémite de Transjordanie». Le mandat imposait aux Britanniques de «créer en Palestine un foyer national pour le peuple juif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine».
          Les populations arabes avaient refusé d’être mises devant le fait accompli et marquèrent leur opposition par des émeutes anti juives que les Anglais se gardèrent bien de sanctionner. Les Juifs ont donc été contraints de s’organiser en milice d’auto-défense, la Haganah, contrôlée et financée par le syndicat juif Histadrout. Les Arabes obtinrent cependant satisfaction puisqu’ils avaient reçu en 1922 des Anglais l’assurance que ce vaste territoire serait partagé entre eux et les Juifs.

Immigration de l’Europe de l’Est


Mémorial du massacre de Hébron

La situation connaîtra un tournant en 1924 lorsque les États-Unis mirent fin à l’immigration juive venue d’Europe, ce qui eut pour effet d’orienter les populations misérables juives, en masse vers la Palestine. Face à cette arrivée massive d'immigrants, les Arabes sous la conduite du cheikh Al-Qassam, qui donnera son nom aux fusées du Hamas, organisèrent dès 1925 des actions de guérilla à la fois contre les postes anglais et contre les villages juifs. Des émeutes connurent leur paroxysme en 1929 avec des violences qui firent de nombreuses victimes juives. 
Soldats de la Haganah

          Le 24 août 1929, 70 hommes, femmes et enfants juifs furent sauvagement tués dans la ville de Hébron et quelques jours plus tard, 18 Juifs furent tués dans la ville de Safed. Lorsque la police britannique parvint à rétablir le calme, les Juifs comptèrent 133 tués par les Arabes. Ces massacres mirent en évidence l’inefficacité de la Haganah qui décida de devenir autonome en quittant le syndicat ouvrier Histadrout et en se mettant sous les ordres de l’Agence Juive, autorité sioniste de l’époque et embryon du futur État juif.
Avraham Tehomi, créateur et dirigeant de l’Irgoun, de 1931 à 1937

            Cette rupture va alors préfigurer le conflit qui ira crescendo entre Ben Gourion, chef de la Histadrout, et des contestataires qui le qualifiaient de trop modéré tant il interdisait l’usage de la force et les représailles contre des forces arabes pourtant bien identifiées. De nombreux officiers de la Haganah, constituant le noyau dur, entrèrent alors en dissidence et furent révoqués. Ils rejoignirent alors le leader de droite Jabotinsky qui forma sa propre milice, l’Irgoun, avec des méthodes qui engendrèrent de sérieuses tensions entre les deux clans juifs et avec les Anglais. L’Irgoun ne se contenta pas de se défendre mais d’organiser de sérieux accrochages avec les Arabes.
Amin al-Husseini collaborant avec les nazis

            La guerre civile fut enclenchée en 1935 à l’occasion de la Grande Révolte Arabe dirigée par le grand mufti de Jérusalem Amin al-Husseini, grand oncle de Yasser Arafat et de Leila Shahid. Les Arabes exigèrent l’arrêt de l’immigration juive dont la population était passée de 10% en 1920 à 33% en 1935. Il lança la fatwa interdisant aux Arabes de vendre leurs terres et refusa d’entériner toutes les ventes antérieures de terres jugées par lui nulles. Face à l’étendue de la révolte, les Anglais durent se résoudre à faire appel à la Haganah pour maintenir l’ordre avec eux tandis que  l’Irgoun se désolidarisait de la stratégie de Ben Gourion en organisant ses propres actions punitives contre les Arabes.

Première occasion ratée
La commission Peel 

            Devant les troubles croissants, les Anglais ont alors envisagé sérieusement la séparation des deux communautés en proposant le partage dessiné par la commission Peel de 1937. Ce partage servira d’ailleurs de base à toutes les successives propositions de création d’un État juif. À l’est du Jourdain, le territoire devait constituer le Royaume de Transjordanie soit les trois-quarts  du territoire, le reste devait être découpé en trois parties, la juive au nord, l’arabe au sud et une zone internationale comprenant Jérusalem au centre. La partie juive consistait en de minuscules fragments de terre, à peine visibles qui n'avaient pas vocation à devenir une entité nationale viable.

L'opinion juive était divisée. Le vingtième Congrès juif du 20 août 1937 à Zurich avait décidé de rejeter les frontières dessinées par la Commission Peel, mais son exécutif avait accepté de poursuivre la négociation pour un plan de partage plus favorable. L’Agence Juive avait commencé à mettre en place un appareil administratif complet en prévision de cette création inespérée. Ben Gourion le visionnaire avait persuadé les dirigeants sionistes d’accepter en diffusant la lettre à son fils en octobre 1937 dans laquelle il estimait que «Un État juif doit être établi immédiatement, même si ce n’est que dans une partie du pays. Le reste suivra dans le cadre de temps. Un État juif viendra». Son côté pragmatique l'avait poussé à accepter seulement 10% du territoire mandataire car un petit État juif valait mieux que rien du tout. 
De leur côté les leaders arabes avaient rejeté ce projet pourtant à leur avantage car ils exigeaient la totalité de la Palestine mandataire et le contrôle des Lieux Saints. Ce fut leur première occasion ratée. Il y en eut plusieurs autres. Elle fut aussi ratée aussi pour les Juifs car l’Histoire aurait été différente si les victimes de la Shoah avaient trouvé refuge dans un Etat. Plusieurs millions d'entre eux auraient été sauvés. Sans l’intransigeance arabe, non seulement le conflit israélo-palestinien aurait pu prendre fin en 1937, mais Israéliens et Palestiniens vivraient aujourd’hui en bonne entente, tandis que des millions de Juifs, dont personne ne voulait en Europe, auraient échappé aux nazis.
Immigrants juifs renvoyés à leur point de départ

            Les violences s’amplifièrent forçant les Anglais en 1939 à promettre aux Arabes l’indépendance sous 10 ans, à interdire la vente de terres aux Juifs, à limiter l’alyah au moment même où les Juifs étaient persécutés en Europe. Ce sera alors l’épopée des immigrations clandestines et de la radicalisation de l’Irgoun qui profita du déclenchement de la deuxième Guerre Mondiale pour intensifier ses actions contre les Anglais et les Arabes poussant d’ailleurs Al-Husseini à trouver refuge au sein des forces nazies en soulevant les Musulmans des Balkans contre les Alliés.

Deuxième occasion ratée

            Le Royaume-Uni avait décidé d'imposer sa loi. Les trois-quarts du territoire avaient été attribués en 1921 au Royaume de Transjordanie. Le quart restant était confié à l’ONU, chargée de trouver une solution de partage. Un nouveau plan, établi en 1947 et différent de celui de Peel, sera lui aussi voué au même avenir négatif. Les Juifs l’acceptèrent tandis que les Arabes, à nouveau, le refusèrent malgré la décision unanime de l’Assemblée générale de l’ONU qui vota le partage le 29 novembre 1947.



            Les Anglais préparèrent leur départ alors qu’un nouveau chef arabe était désigné, Abd al-Kader Al-Husseini, pour organiser les affrontements armés et prendre la tête des forces arabes sous l’œil désintéressé des Britanniques qui assistaient au déclenchement de la guerre civile entre Juifs et Arabes. En leur for intérieur les Anglais, qui cherchaient à étendre leurs relations économiques et à maintenir leur influence dans les pays arabes, jouèrent la carte de la défaite des Juifs à laquelle ils étaient convaincus en raison du déséquilibre des forces en présence. La première guerre israélo-arabe devait commencer à la fin de 1947. 
Abd al-Kader Al-Husseini

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